Depuis 2019, un moratoire de quatre ans empêche le site d’enfouissement de la ville de Coventry, au Vermont, de faire traiter son lixiviat ("jus de poubelle") au site d’épuration de Newport, une autre ville américaine située à l’embouchure du lac Memphrémagog. La Ville de Sherbrooke demande maintenant au ministère de l’Environnement de rendre ce moratoire permanent pour protéger son réservoir d’eau potable.
Le lac Memphrémagog sert de réservoir d’eau potable à plus de 175 000 habitants, dont ceux de Sherbrooke, souligne le maire, Steve Lussier. Or, la station d'épuration de Newport rejette son effluent dans le lac. Les contaminants rejetés par le site d'épuration de Newport, qui traite son lixiviat, prennent environ deux ans à atteindre Sherbrooke. Une analyse récente des eaux a démontré que des composés perfluorés (des produits chimiques utilisés notamment comme enduits imperméabilisants et antitaches), provenant probablement de l’usine, ont bel et bien atteint la municipalité estrienne. "Suite à des prélèvements d’eau brute réalisés par le ministère de l’Environnement en septembre et octobre 2020, la présence de composés perfluorés a été constatée pour la première fois dans ces eaux. Il faut savoir que la détection des composés analysés nous inquiète, et c’est pour ça que je fais appel à nos collègues", remarque Steve Lussier. Les résultats de cette analyse rendent la fin du moratoire, prévue en 2023, particulièrement préoccupante, selon le maire. Il demande une rencontre avec les différents ordres de gouvernement pour rendre ce moratoire permanent et empêcher le traitement du lixiviat à Newport. Selon lui, les ministères ne prennent pas assez au sérieux la menace qui pèse sur le lac Memphrémagog. Jean-Pierre Fortier, chef de division de la gestion des eaux et de la construction à la Ville de Sherbrooke, fait remarquer que pour protéger le lac Memphrémagog, il est important d’agir en amont, ce moratoire offrant aussi l’opportunité d’avoir un bassin d’eau brute quasi vierge. La présidente du comité de l’environnement de la Ville de Sherbrooke, Karine Godbout, abonde dans le même sens : "On veut protéger [le lac Memphrémagog], pas juste pour les deux, trois prochaines années de moratoire, mais pour les prochaines centaines d’années. Des milliers d'autres contaminants émergents composent la soupe chimique de lixiviat, dont les répercussions sur la santé humaine et sur l’environnement sont encore méconnues", a-t-elle ajouté.
Photo Martin Bilodeau
Emy Lafortune – Radio-Canada